À propos de la Marche des Sans-Papiers

Histoire du mouvement des sans-papiers en France

Le mouvement des sans-papiers en France puise ses racines dans les luttes pour les droits des travailleurs immigrés qui ont marqué les années 1970 et 1980. Cependant, c’est véritablement en 1996 que le terme “sans-papiers” entre dans le vocabulaire national avec l’occupation de l’église Saint-Bernard à Paris. Près de 300 personnes, principalement originaires d’Afrique de l’Ouest et du Mali, occupent alors ce lieu de culte pendant deux mois pour demander leur régularisation. L’évacuation violente qui s’ensuit, retransmise en direct à la télévision, choque l’opinion publique et marque un tournant dans la prise de conscience collective.

Depuis cette date symbolique, les mobilisations se sont multipliées et structurées. Le mouvement a connu plusieurs vagues importantes : les grèves de travailleurs sans-papiers dans les secteurs de la restauration, du nettoyage et de la construction entre 2008 et 2010, puis les mobilisations de 2020 qui ont vu la création de nombreux collectifs de sans-papiers (CSP) dans toute la France. Ces collectifs, présents à Paris, Lyon, Marseille, Toulouse et dans de nombreuses autres villes, se sont fédérés pour porter une voix commune et organiser des actions coordonnées à l’échelle nationale.

La Marche des Solidarités, soutenue par près de 300 organisations, représente aujourd’hui l’une des coalitions les plus larges jamais constituées en France pour défendre les droits des personnes migrantes. Elle réunit des syndicats, des associations de défense des droits humains, des collectifs antiracistes et des milliers de citoyens solidaires.

Nos revendications principales

Régularisation large et durable

Notre première exigence est la régularisation de toutes les personnes sans-papiers vivant en France. Contrairement aux critères restrictifs imposés par les différentes circulaires gouvernementales, nous réclamons une régularisation qui ne soit pas conditionnée à l’occupation d’un métier dit “en tension” ou à une ancienneté excessive sur le territoire français. Les personnes sans-papiers contribuent déjà à l’économie française, paient des impôts et participent à la vie sociale. Leur régularisation n’est pas une faveur, c’est une reconnaissance de leur présence et de leur dignité.

La Cimade poursuit activement cette campagne pour une régularisation large et durable, dénonçant le quasi-gel des régularisations observé depuis 2024. La circulaire Valls de 2012, qui permettait la régularisation d’environ 30 000 personnes par an selon des critères définis, a été remise en cause, laissant des milliers de personnes dans un vide juridique insoutenable.

Droits sociaux et égalité

Nous exigeons l’accès inconditionnel à l’éducation, au logement et aux soins de santé pour toutes et tous, quelle que soit la situation administrative. Les enfants sans-papiers doivent pouvoir aller à l’école sans crainte, les familles doivent pouvoir se loger dignement, et personne ne devrait être privé de soins médicaux en raison de son statut administratif. Le Réseau Éducation Sans Frontières (RESF) lutte depuis 2004 pour protéger les enfants scolarisés et leurs familles contre les expulsions.

Fin des expulsions et fermeture des centres de rétention

Les expulsions déchirent des familles, arrachent des personnes à leur vie construite en France et les renvoient parfois vers des situations de danger. Nous demandons l’arrêt immédiat des expulsions et la fermeture des centres de rétention administrative (CRA), véritables prisons pour personnes dont le seul “crime” est de ne pas avoir les bons papiers. Ces centres, où les conditions de détention sont régulièrement dénoncées, sont indignes d’une démocratie qui se revendique des droits humains.

Liberté de circulation et d’installation

Nous défendons le droit fondamental à la liberté de circulation et d’installation. Dans un monde globalisé où les marchandises et les capitaux circulent librement, il est inacceptable que les êtres humains soient entravés dans leurs mouvements par des frontières de plus en plus militarisées. Cette revendication s’inscrit dans une vision universaliste des droits humains, où chaque personne devrait pouvoir choisir où elle souhaite vivre et construire son avenir.

La situation actuelle des personnes sans-papiers

En 2024-2025, la situation des personnes sans-papiers en France s’est considérablement détériorisée. La loi immigration adoptée en janvier 2024, durcie par le Sénat et partiellement censurée par le Conseil constitutionnel, a renforcé les conditions d’obtention d’un titre de séjour. Pour une régularisation par le travail, il faut désormais justifier de trois ans de présence en France et de douze mois de travail dans un métier listé par décret, alors que la liste de ces métiers dits “en tension” se réduit progressivement.

Le ministre de l’Intérieur a confirmé en octobre 2024 son intention de ne régulariser les personnes sans-papiers que “de façon parcimonieuse”. Dans les faits, les régularisations sont pratiquement à l’arrêt depuis plusieurs mois. Des milliers de personnes qui auraient pu être régularisées sous les critères de la circulaire Valls de 2012 se retrouvent aujourd’hui sans perspective, vivant dans la peur permanente d’un contrôle ou d’une arrestation.

Cette situation génère une précarité extrême : impossibilité de signer un bail de location, difficulté d’accès aux soins, exploitation au travail par des employeurs qui profitent de la vulnérabilité administrative pour imposer des salaires de misère et des conditions de travail indignes. Les sans-papiers sont contraints de vivre dans l’ombre, alors qu’ils participent pleinement à la société française.

Les collectifs et organisations mobilisés

Les collectifs de sans-papiers (CSP)

À la suite des mobilisations de 2020, une vingtaine de collectifs de sans-papiers se sont créés et fédérés dans plusieurs villes françaises. Le CSP75 représente 2 000 personnes sans-papiers dans la région parisienne, le CSP69 à Lyon, le CSP13 à Marseille, et d’autres collectifs sont actifs à Lille, Rennes, Toulouse, Montpellier, Grenoble, Strasbourg et dans de nombreuses autres villes. Ces collectifs sont composés et dirigés par des personnes sans-papiers elles-mêmes, qui s’organisent pour défendre leurs droits et porter leurs revendications.

Les organisations de soutien

La Ligue des Droits de l’Homme (LDH) accompagne depuis des décennies les personnes étrangères dans leurs démarches administratives et propose des permanences juridiques dans toute la France. Ses sections locales sont des points d’appui essentiels pour les sans-papiers confrontés à la complexité administrative des préfectures.

La Cimade, association œcuménique de solidarité, intervient dans les centres de rétention, propose un accompagnement juridique et mène des campagnes de plaidoyer pour faire évoluer les politiques migratoires.

Le Réseau Éducation Sans Frontières (RESF) mobilise enseignants, parents d’élèves et citoyens pour protéger les enfants scolarisés et leurs familles contre les expulsions.

Les syndicats, notamment la CGT et Solidaires, soutiennent les grèves de travailleurs sans-papiers et les accompagnent dans leurs démarches de régularisation par le travail.

De nombreuses autres organisations participent au mouvement : le GISTI (Groupe d’Information et de Soutien des Immigré·e·s), l’ATMF (Association des Travailleurs Maghrébins de France), Utopia 56, ainsi que des collectifs locaux d’hébergement citoyen et de soutien.

La Journée Internationale des Migrants - 18 décembre

La mobilisation du 18 décembre 2025 s’inscrit dans le cadre de la Journée Internationale des Migrants, proclamée par l’Organisation des Nations Unies en 2000. Cette date commémore l’adoption, le 18 décembre 1990, de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Cette journée vise à “dissiper les préjugés” sur les migrants et à “sensibiliser l’opinion à leurs contributions dans les domaines économique, culturel et social, au profit tant de leur pays d’origine que de leur pays de destination”. Elle nous rappelle que les personnes migrantes ne sont pas un problème, mais une richesse pour nos sociétés.

En choisissant cette date symbolique pour l’Acte 4 de la Marche des Sans-Papiers, nous affirmons notre solidarité internationale et notre détermination à faire respecter les droits fondamentaux de toutes les personnes, qu’elles aient ou non des papiers. Des rassemblements sont organisés dans plus de vingt villes françaises, de Paris à Marseille, de Lille à Toulouse, de Rennes à Strasbourg.

Ensemble, faisons entendre nos voix

Le mouvement des sans-papiers est un mouvement citoyen, populaire et démocratique. Il nous concerne toutes et tous, car c’est de dignité humaine qu’il est question. Rejoignez-nous le 18 décembre pour exiger la régularisation de toutes les personnes sans-papiers, la liberté de circulation et d’installation, et l’égalité des droits pour toutes et tous.

Pas de papiers, pas de paix ! Régularisation de tous les sans-papiers !